Pour tomber amoureux, buvez ceci

S’inscrivant dans le genre de la narrative non-fiction, ce livre se compose de
récits autobiographiques qui relatent des souvenirs, des épisodes que
l’autrice relie d’une façon ou d’une autre au vin, dans son acception tant
concrète que symbolique. Chaque chapitre (une quinzaine au total) évoque une
expérience personnelle et se conclut par une mise en résonance sensorielle
avec un vin différent, tissant ainsi des liens subtils avec le récit auquel il
correspond. Le livre décrit l’itinéraire d’une écrivaine dont le cheminement,
depuis son enfance au sein de la communauté juive ashkénaze new-yorkaise
jusqu’à son accession au statut de « papesse » du militantisme pour le vin
naturel, est semé d’embûches et de détours. Attirée, puis obsédée par
l’écriture, après avoir d’abord pensé s’exprimer par le corps et la danse,
l’autrice se découvre par ailleurs dès son plus jeune âge un talent sensoriel
— un « nez » — d’abord grâce à l’influence de son grand-père, patriarche
familial plutôt austère qui pourtant l’initie aux parfums. Dotée d’un
tempérament passionné et impulsif, Alice Feiring a du mal à trouver sa place
dans une famille dont le père est fuyant et fantasque, la mère étouffante, et
le frère révéré. En prenant de la distance avec cet univers familier mais trop
étroit, l’autrice comprend que, plus qu’un simple breuvage destiné à
accompagner les repas, le vin a beaucoup de choses à « dire » – sur ceux qui
le boivent, ceux qui le font et les émotions qu’ils permettent d’éprouver.
Usant avec talent et sagacité de la métaphore filée voire de la parabole, elle
aborde tout au long du texte des sujets a priori éloignés les uns des autres
tels que le foisonnement culturel des années 1970 à New York (elle y rencontre
Nina Simone, ou encore le photographe Herb Snitzer), le conseil matrimonial
auprès de son plombier, l’évitement de justesse d’une agression par un serial
killer, ou encore la perte d’un parent. D’un bout à l’autre de l’ouvrage, par
un fil narratif parfaitement déroulé, les histoires et les rencontres
s’enchaînent, tissant des liens entre vins et expériences intimes. Le style
d’Alice Feiring se caractérise par sa capacité à évoquer – sur un ton qui va
parfois jusqu’au sarcasme – des réflexions pourtant portées par l’émotion et,
bien souvent, l’amour. Comme si le passage à l’âge adulte était le processus
de toute une vie à ses yeux, Alice Feiring entremêle le personnel et
l’universel, et affirme avec humour sa passion pour le vin et ce que celui-ci
permet de faire advenir. Née en 1954, autrice d’une demi-douzaine de livres et
journaliste new-yorkaise, Alice Feiring signe régulièrement des tribunes dans
le New York Times, le Wall Street Journal, le Los Angeles Times ou encore Time
Magazine. Fondatrice de la newsletter à succès The Feiring Line, où elle
prodigue de nombreux récits autour du vin, elle est surtout l’autrice de
plusieurs ouvrages sur ce thème dont Skin Contact (Nouriturfu, 2017) et La
Bataille du Vin et de l’Amour – Comment j’ai sauvé le monde de la
parkérisation (éditions Jean-Paul Rocher, 2010), qui l’a propulsée sur le
devant de la scène et a permis de remettre en question, à l’échelle mondiale,
la prépondérance de l’influence du critique Robert Parker. Elle est la
récipiendaire du James Beard Award, la plus prestigieuse récompense pour les
personnalités du monde de la gastronomie, ainsi que du prix « Best Wine Book
of the Year » des Gourmand Awards en 2017 pour Skin Contact.